Fragments de FranceSur le parking de la zone commerciale de La Madeleine, on fait ses comptes à l’euro près, on cherche les bonnes affaires et on mesure l’augmentation du coût de la vie à l’aune de ce qu’on ne peut plus s’offrir.
Ce jour-là, Véronique Richy a changé de supermarché pour faire ses courses. Le Carrefour était sur sa route. « En général, je vais chez Lidl, c’est beaucoup moins cher. » Elle fait ses comptes, en ouvrant le coffre de sa voiture pour y entasser le contenu de son chariot. « J’en ai eu pour 106 euros ! Et encore, j’ai pris juste ce qui me manquait, sans m’écarter de ma liste. Il y a plein de choses qui sont devenues chères, surtout depuis le Covid… »
Cette sexagénaire dynamique est garée sur un immense parking que Carrefour partage avec des mastodontes de la distribution : Leroy-Merlin, Kiabi, But… Insérée dans le quartier de La Madeleine, bordée de logements sociaux, cette zone commerciale coincée entre la ville de Chartres (Eure-et-Loir) et l’autoroute A11 ressemble à des milliers d’autres en France. On s’y rend en voiture et, une fois les courses faites, on doit se poser quelques instants pour se souvenir de l’emplacement où on l’avait garée.
Véronique Richy travaille. Enfin, continue de travailler, à 62 ans. Même si son métier de femme de ménage est physique, « partir en retraite comme on dit », elle n’y songe pas. « Moi, j’ai besoin d’argent. Avec mon mari, on ne mange pas le midi. L’eau, l’électricité, le gaz, tout a augmenté, c’est une horreur. »
En ce début d’automne, ici comme ailleurs, les inquiétudes sur le pouvoir d’achat refont surface. En août, sur un an, les prix à la consommation ont grimpé de 1,9 %, en raison du rebond des prix des produits manufacturés, selon l’Insee. Les prix de l’alimentation ont augmenté de 1,3 %. Bien moins, toutefois, que ceux de l’énergie (+12,7 %). Véronique sent la différence : elle a « encore deux crédits sur le dos pour cinq ans, pour la voiture ». Car elle a récemment donné sa Mégane à son fils pour qu’il puisse aller travailler. « Vous comprenez, il a deux enfants. »
Sa voiture, Bernard Lesueur, venu « juste acheter de l’eau minérale pour le fer à repasser », ne va d’ailleurs finalement pas la changer. Les mains dans les poches, il est adossé à son petit véhicule sans permis. Sur le flanc gauche, un accrochage non réparé sert de nid à la rouille. Il a « regardé les prix, et c’est pas possible » avec les « 1 000 euros et des poussières » de sa retraite, et tout ce qui part « dans l’électricité et le loyer ».
« Tout est de plus en plus cher », déplore aussi Paige Edmée, auxiliaire de vie aux cheveux cuivrés de 26 ans, venue faire les courses d’une dame âgée en fauteuil roulant. Un plein de « 112,51 euros, car il y a beaucoup de fruits et légumes. Mais aussi beaucoup de yaourts cette fois-ci : cinq paquets de 16 ! » Elle rigole, car elle n’en a jamais vu autant dans son coffre. Pour ses propres achats, elle a ses habitudes dans une autre grande surface, où elle lâche « 200 euros en début de mois. On est trois, l’addition grimpe vite. Plus ça va, moins le frigo est rempli, alors que je dépense la même chose. Un enfant dans le foyer, ça augmente tout de suite le budget ».
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