
Quinze priorités sont-elles encore des priorités ? C’est en tout cas une épaisse liste de course qu’a longuement détaillée, ce mardi 12 octobre, le président de la République en dévoilant son plan France 2030. Rien n’y a été oublié, ou presque, du nucléaire aux fonds marins en passant par la culture. Cette forme de budget bis a d’ailleurs fait l’objet de sérieux arbitrages entre les demandes multiples des ministères. On nous assure que tout le monde a été consulté, et on veut bien le croire.
Mais le chef d’orchestre est resté à l’Elysée, seule tête pensante capable de nous projeter dans la prochaine décennie et d’en fixer le cap. On en vient presque à oublier que, le jeudi 3 septembre 2020, le président de la République ressuscitait le Haut-Commissariat général au Plan, en nommant François Bayrou à sa tête, avec pour tâche d’« éclairer les choix des pouvoirs publics au regard des enjeux démographiques, économiques, sociaux, environnementaux, sanitaires, technologiques et culturels ».
Depuis, plus rien. Le commissariat a bien publié un rapport sur la démographie en mai et un autre sur l’agriculture en juillet. Mais sur les trois enjeux majeurs du plan France 2030, à savoir la souveraineté de la France, la transition énergétique et la santé publique, ses apports se résument à une note d’ouverture de 17 pages, produite en décembre 2020 sur les produits vitaux et l’indépendance française et supposée ouvrir le débat. Il a été assez vite refermé hier devant un François Bayrou au premier rang, qui assistait en spectateur à la prestation élyséenne.
Un pays rongé par les aigreurs
Finalement, le retour de « l’ardente obligation du Plan » du général de Gaulle n’aura été qu’un feu de paille. Il n’apporte rien de plus aux très bons rapports de France Stratégie, qui était lui-même l’énième transformation du Commissariat au Plan. C’est dommage, car ce n’est pas d’un nouveau producteur de contenus que la France à besoin. Avec France Stratégie, le Conseil d’analyse économique, le travail minutieux du Sénat et de l’Assemblée nationale et les rapports commandés par les ministères ou l’Elysée, elle est abondamment fournie.
Ce qui lui manque, c’est une vision de long terme portée par des scénarios d’évolution alternatifs, accompagnés d’une réflexion sur les moyens d’action. Autrement dit proposer différents chemins et une méthode aux politiques et à la nation. Dans un pays rongé par les aigreurs et la dépression, en proie à un « immobilisme trépidant », selon la formule du chercheur Etienne Klein, et qui fait du progrès un gros mot, il est urgent de donner à voir des futurs possibles plutôt que de prolonger des courbes dans une quête éternelle et vaine de grandeur perdue.